Comment acheter ou vendre de la monnaie virtuelle ? Comment ça fonctionne et comment être sûr que les protocoles sont sécurisés ? Que doit-on déclarer à l’administration fiscale lorsqu’on possède de la monnaie virtuelle ? Autant de questions que soulève l’avènement des crypto-monnaies. Noël Rimbert, expert Blockchain chez NOVENCIA fait le tour de la question. Interview.
Est-ce que la crypto monnaie annonce la naissance d’un nouveau système monétaire ?
Noel R. : Dans les pays développés nous n’avons pas forcément besoin d’un nouveau système financier, du moins ce besoin n’est pas évident. Si on se place du côté du consommateur, une carte bancaire suffit puisqu’elle permet de réaliser des transactions immédiates. Ce serait plutôt du côté du marchand que la question peut se poser. En effet, quand un consommateur paye en carte bancaire, une commission est versée au réseau au travers de différents intermédiaires et chaque banque valide chacune des transactions. La blockchain en supprimant les tiers de confiance pourrait être profitable aux marchands. Est-ce que cela nécessite la création d’un nouveau système monétaire ? C’est discutable. Dans les pays en développement, par contre, la situation est différente. Il y a un vrai besoin d’accéder à un système monétaire et financier libre d’accès et égalitaire pour tous. Ce sont ces pays qui sont en premier concernés et au sein desquels vont émerger de nouveaux systèmes monétaires.
Cependant, les premiers bitcoins ont permis d’acheter 2 pizzas donc peut-on acheter des biens avec les crypto monnaies ?
Noel R. : En 2011 deux pizzas ont été achetées par Laszlo Hanyecz, depuis il y a eu également des échanges de biens immobiliers en bitcoin. Aujourd’hui, énormément de sites proposent de régler en bitcoin : overstock, openbazaar ou encore wikipédia et wikileaks où il est possible de faire des dons. Plus récemment, des marchands physiques ont accepté le Bitcoin. C’est par exemple le cas des commerçants du passage du Cerf à Paris et du « Sof’s bar » dans le 2e.
Comment ça se passe ?
Noel R. : Le plus simple c’est d’utiliser les wallets. Ceux-ci sont des applications mobiles, desktop ou web. Communément, l’application mobile est la plus utilisée. Dans le principe il suffit juste de scanner un QRcode, il contient le montant de la transaction et la destination de celle-ci. Il n’y a plus qu’à valider la transaction et procéder au paiement. Les clés contenues dans le Wallet sont l’équivalent des codes Pin d’une carte bancaire et permettent de dépenser vos bitcoins. Pour sécuriser ces clés, on peut les stocker sous forme de papier (dans un coffre en banque) ou encore dans des Hardware wallet (dispositifs qui agissent comme un coffre-fort), des fichiers textes, etc
Qu’est-ce qu’une crypto-monnaie ?
Une monnaie numérique et donc dématérialisée dont la validation des transactions et l’émission de monnaie se base sur la cryptographie. Au même titre qu’une monnaie fiduciaire une crypto-monnaie est un medium d’échange. Cependant, elle s’en démarque par certains principes économiques et technologiques la composant. Par exemple, l’euro est une monnaie qui a cours légal, est soumis à la réglementation et dépend d’un système centralisé. Le bitcoin est basé sur un système décentralisé et son échange se fait de pair à pair. Ses paramètres économiques sont inscrits dans le code et son implémentation utilise la cryptographie pour valider les transactions et produire la monnaie elle-même. Il existe de nombreuses crypto monnaies dont le fonctionnement est proche. Cependant leurs algorithmes de chiffrage, leurs paramètres économiques, leur but et leur communauté les différencient.
Que dit la loi sur le sujet ?
Noel R. : La loi est encore en cours d’élaboration. Pour le moment nous n’avons pas à déclarer les Bitcoins qui sont en notre possession. Seules les plus-values générées par la conversion en euros sont à déclarer. De même lorsque nous achetons des biens, si entre l’achat des bitcoins et l’achat des biens le bitcoin a pris de la valeur il faudra déclarer la plus-value générée. La règlementation est très claire à ce sujet.
Comment doit-on procéder aujourd’hui si on veut acheter du bitcoin ?
Noel R. : Il y a différentes manières de se procurer des bitcoins. La première c’est de personne à personne. Certains sites facilitent la mise en relation de l’offre et la demande comme LocalBitcoin. Deuxième possibilité, en vendant des biens contre des bitcoins. Ou encore sur des plateformes d’échanges comme Kraken (plateforme Européenne), BTC China, Bitfinex ou Poloniex. Enfin, les wallets web qui gèrent vos bitcoins : Coinbase, BLockchain, Bitpanda, Circle… seul écueil avec les wallets online, c’est qu’ils peuvent se faire hacker et donc vous perdez vos bitcoins. La manière la plus sûre c’est de les stocker sur des dispositifs matériels déconnectés de l’internet (cold storage) comme des disques durs par exemple.
Comment être sûr que les protocoles soient sécurisés ?
Noel R. : On n’est jamais sûr à 100%, le protocole le plus fiable c’est de personne à personne. Si nous passons par des tiers tels que les plateformes d’échanges ou les wallets en ligne, il faut s’assurer de la validité des certificat SSL. Seuls les sites en https permettent d’éviter le phishing. Il faut également s’assurer de : posséder un mot de passe compliqué pour ne pas se faire hacker son compte, autoriser la double authentification par mot de passe (via un message sur son portable) et aussi faire confiance à la solution qui propose de les héberger. Pour vous aider, la communauté blockchain référence les sites de confiance. Acheter des bitcoins à un tiers requiert un certain niveau de confiance. En août 2016 la plateforme d’échange Bitfinex, s’est fait hacker. Ils ont perdu des millions de dollars en bitcoins. L’affaire Bitfinex ce n’était pas la première et ça ne sera pas la dernière. MtGox a aussi beaucoup fait parler d’elle en 2014 et provocant l’effondrement du cours du Bitcoin.
Y a-t-il un seuil d’achat qu’on ne peut pas dépasser ?
Noel R. : Il n’y a pas de seuil d’achat. En 2140, nous pourrons acheter 21 millions de bitcoin, moins ceux qui ont été perdus ou détruits.
Il y a aujourd’hui des cas connus de spéculations ?
Noel R. : Je ne les connais pas donc je n’ai pas d’exemple à citer. Je sais qu’il est facile pour des investisseurs avec leurs propres fonds de faire influer le cours, notamment grâce à des pratiques de « pump and dump ». S’ils achètent beaucoup le cours va augmenter très rapidement et s’ils vendent rapidement par petit paquet, ils feront un profit même si le cours plonge. Dans tous les cas c’est du court terme, sur le long terme il n’y a pas trop d’influence. Pour l’instant bitcoin c’est un investissement assez spéculatif qui nécessite de bien connaître le marché et son comportement.
BITCOIN et autres cryptomonnaies
Si on possède des bitcoins, doit on les déclarer à l’administration fiscale au même titre que tout autre actif ?
Noel R. : En minant nous sommes récompensé par des bitcoins. Si le profit généré est inférieur à 2000€ par trimestre il faut déclarer ces revenus en bnc (particulier). Au-delà de ce montant il faudra faire une déclaration bic (professionnel). Par ailleurs, Il faut déclarer les plus-values.
Est ce que ces bitcoins ou autre monnaie virtuelle peuvent être convertis en euro ou dollars si je veux récupérer des liquidités ?
Noel R. : Oui. Cependant attention à la taxation et à la commission de l’intermédiaire qui va faire le change.
Il y a un cours du bitcoins, comment le « taux de change » est-il déterminé ?
Noel R. : Contrairement à ce qu’on pense, le cours est déterminé en fonction de l’offre et et la demande et non par le coût engendré par la création de bitcoin.
Comment savoir si mon investissement en bitcoin est un bon investissement ?
Noel R. : Outre l’aspect spéculatif, il y a un aspect social fort. Si l’investissement est purement spéculatif alors ce ne sera que du très court terme. Il faut réfléchir et prendre son temps car le marché est très volatile. La seule manière de savoir si c’est un bon investissement c’est de se documenter, évaluer ce que ça peut vous apporter, savoir vous positionner sur l’avenir BItcoin.
Aujourd’hui les investissements en bitcoin concernent surtout les initiés, en tant que particulier est-ce que je peux demander à ma banque d’investir une partie de mon épargne dans le bitcoin ?
Noel R. : Je n’ai pas essayé et dans mon entourage je n’ai vu personne le faire. La première question à se poser concerne l’intérêt d’une telle démarche. Si nous épargnons c’est pour conserver notre capital mais aussi pour le faire fructifier. Le bitcoin étant très volatile il se peut que demain nous perdions toute notre épargne. Et puis si les banques veulent traiter avec le bitcoin elles doivent faire face à des aspects de régulation (AML* et KYC*). De ce côté-là, le bitcoin ne facilite pas les choses. Les banques sont loin de proposer de telles offres. D’autant plus que la technologie est disruptive et ça ne leur apporte rien de la démocratiser en proposant des produits qui vont à l’encontre de leur propres intérêts.
*AML : Anti Money Laundering *KYC : Know Your Customer