C’est le sujet qui challenge tous les niveaux de la société : comment réaliser une transition efficace répondant à l’urgence climatique tout en préservant les activités économiques ?
Les sphères politiques ont donné le ton avec de nombreux traités et réglementations visant à encadrer les entreprises.
Ces dernières doivent engager des démarches afin de compenser, ou, limiter leurs impacts négatifs. Une telle action ne peut être amorcée sans avoir en amont repéré, mesuré et analysé la source de ces impacts dans les différentes étapes de la chaîne de valeur.
Même si les secteurs de la cosmétique et de la mode sont peu consommateurs d’énergie par rapport à d’autres secteurs comme l’automobile ou les énergies fossiles; ils n’échappent pas à la prise de conscience générale et ont pris un certain nombre de premiers engagements pour lutter contre le changement climatique, pour réduire la consommation d’énergie ou encore les émissions liées au transport de produits (scope 3).
La majorité des Groupe de mode et cosmétique, essentiellement les grands Groupes et les marques haut de gamme, ont conçu et déployé des programmes de développement durable en définissant des cibles à 2030 pour limiter ses impacts directs et indirects. Ils s’engagent à préserver les ressources en eau et l’utilisation des sols sur les sites de production, ainsi qu’à réduire les déchets sur les sites opérés et élaborer des produits en éco-conception. Cette démarche associe autant les fournisseurs que les consommateurs, et implique toute la chaîne de production.
Une trajectoire carbone suivie, mais devant encore être renforcée
Des outils de mesure ont déjà été créés, notamment à travers les rapports Environnemental Profit & Loss initiés par PUMA en 2010 et repris au niveau du groupe par KERING. Pour autant, nous n’en sommes qu’au commencement. Les périmètres suivis peuvent encore être élargis et les outils de reporting ou les innovations générées par l’IA peuvent être affinées et renforcées.
Les Accords de Paris sur le Climat (COP21) ont été l’élément déclencheur dans la transition énergétique, avec l’ambition de limiter le réchauffement climatique à un niveau inférieur à 2°, voire tendre à 1,5° par rapport au niveau préindustriel. Depuis, d’autres réglementions, chartes ou lois ont été édictées et sont applicables à tous les secteurs d’activité, dont celui des cosmétiques et de la mode.
L’initiative Science Based Target ou SBT ou encore SBTi est le fruit d’un partenariat entre le CDP, le Pacte Mondial des Nations Unies, le World Ressources Institute (WRI) et le Fonds Mondial pour la Nature (WWF). Les objectifs fixés par le SBT doivent permettre de piloter une « action climatique ambitieuse » en définissant des objectifs de réduction des émissions pour les entreprises et en en faisant un avantage compétitif. Ces objectifs se concentrent principalement sur la quantité des émissions qui doivent être réduites pour atteindre les exigences de l’Accord de Paris.
La Taxonomie Verte Européenne est entrée en vigueur partiellement au 1er janvier 2022. Cette nouvelle réglementation a été édictée dans le cadre du pacte vert pour l’Europe (Green Deal). Il s’agit d’une classification des activités économiques durables avec une nomenclature commune. A travers cette taxonomie, un des enjeux principaux est de contribuer aux objectifs environnementaux en identifiant et favorisant les investissements concernant les activités répondant au mieux à certains critères. Elle permet de comparer les portefeuilles d’investissement en fonction de leurs impact dans la transition bas-carbone.
Des initiatives qui se multiplient
Autre exemple, 200 marques se sont réunies dans le Fashion Pact depuis août 2019 en marge du G7 avec pour objectif d’être alignées à un impact zéro carbone d’ici à 2050.
Une autre initiative RE100 (Renewable Energy 100 Percent) réunit les entreprises internationales les plus influentes engagées en faveur d’une énergie 100% renouvelable en l’appliquant sur leur propre parc immobilier (usines, bureaux, ..) et en essayant d’interférer auprès de leurs fournisseurs ou sous-traitants.
Enfin, les classements, comme celui du Carbon Disclosure Project qui publie chaque année des scores environnementaux est devenu une référence. De plus, les entreprises sont aujourd’hui attentives à leur positionnement, tant pour confirmer la réussite de leurs orientations, qu’en terme d’image ou de visibilité auprès des investisseurs.
L’évaluation des risques au cœur des projets de transition climatique
Différents types de risques environnementaux spécifiques sont pris en compte dans l’univers de la cosmétique et de la mode.
- Les risques industriels liés aux activités de production, de distribution ou de recherche permettent d’évaluer les impacts tels que les incendies potentiels ou la défaillance des installations, engendrant par exemple des pollutions accidentelles.
- Les risques physiques et de transition liés aux évolutions climatique de l’écosystème qui impacte les infrastructures de production, la logistique ou le transport qui peuvent impliquer la disponibilité des matières premières ou des articles de conditionnement par exemple.
- Les risques liés à l’utilisation et à la fin de vie des produits sont également à prendre en compte. C’est un risque auquel se heurtent les entreprises dites de « fast-fashion » dont le modèle économique repose sur des produits de faible qualité à faible prix.
- Les risques climatiques associés à des phénomènes extrêmes sont aussi à évaluer pour les groupes implantés dans certaines régions du monde.
- Les risques liés aux attentes et aux aspirations des consommateurs qu’il faut anticiper afin de limiter le risque de rejet de la marque. En effet, étant davantage sensibilisé sur les questions climatiques, les consommateurs sont désormais particulièrement attentifs aux engagements et valeurs des marques.
L’analyse régulière de ces risques doit permettre d’apporter des réponses adaptées, par la mise en œuvre de mesures de prévention et de détection. Comme la nécessité de mettre en place des contrôles pour s’assurer de l’adéquation et de l’efficacité des mesures déployées.
La data et l’IA pour piloter, visualiser et optimiser ses initiatives
Les risques qui devront être mesurés vont aller en s’étoffant pour s’assurer de la prise en compte de l’ensemble des impacts du changement climatique. Il est nécessaire de piloter sa trajectoire carbone pour s’assurer de l’atteinte de ses objectifs intermédiaires et répondre aux exigences réglementaires.
D’autant que la plupart des entreprises qui ont lancé des initiatives vont encore élargir les critères pris en compte dans leur politique de transformation. Notamment les critères du scope 3 avec l’inclusion nécessaire de nouvelles catégories du GHG Protocol dans les reportings par exemple. Mais également, l’intégration de nouveaux sites de production dans le calcul de leurs indicateurs par exemple.
Enfin, elles vont pouvoir prendre en compte de nouveaux types de données en passant de données estimées à des données réelles par exemple, qui pourront être extrapolées une fois un certain historique constitué, afin de travailler dans les prochaines années sur des tendances.
Grâce à l’IA, l’activité des consommateurs peut être suivie et anticipée, comme leur comportement ou les ventes qui peuvent être analysées. Mais pas, ou plus, uniquement à des fins marketing et d’adaptation aux besoins des consommateurs.
Les marques du secteur de la mode, beaucoup critiquées pour les tonnes de vêtements jetées ou détruits chaque année, vont pouvoir ajuster leurs collections, réduire le nombre de références, prédire les futures ventes et donc adapter leur production et ainsi limiter leur empreinte.
La traçabilité, comme enjeu majeur pour le pilotage et l’optimisation de sa stratégie ?
L’IA peut aussi permettre d’améliorer le suivi de la traçabilité, par exemple avec la création d’une « empreinte numérique » pour un produit garantissant la transparence à chaque étape de la chaîne d’approvisionnement et pouvoir vérifier sa provenance ou son site de production.
La traçabilité et le recueil des données à chaque étape de la récolte des matières premières à la commercialisation des produits finis sont des défis cruciaux à surmonter, notamment dans les chaînes d’approvisionnement qui font intervenir le plus souvent des fournisseurs ou des sous-traitants. Cela rend parfois complexe de suivre et retrouver la véritable origine d’un matériau par exemple et de le tracer sur l’ensemble de la chaîne.
L’amélioration du pilotage de sa trajectoire, de la mesure de l’impact tant des risques que des initiatives en matière de développement durable passe donc inévitablement par le renforcement de la collecte et surtout de l’exploitation des données internes ou externes à l’entreprises. Si son impact environnemental est à prendre en considération, la data se révèle être l’un des leviers à activer pour engager une transition climatique efficace.