Le client est devenu une véritable obsession, au même titre que l’expérience que les marques peuvent lui proposer. Avoir conscience de l’importance d’une vision centrée client c’est bien. Mais mettre en place une culture d’entreprise «customer centric» orientée data, fédérer ses équipes derrière un vrai projet collectif « expérience client », disposer des moyens nécessaires pour tirer le meilleur parti des technologies et des data, c’est mieux.
Une approche « customer centric » nécessaire
Progresser vers une approche customer centric au sein d’une organisation, a de profondes répercussions. Il est nécessaire de lever les obstacles structurels, culturels et technologiques si, à terme, l’entreprise veut déployer des expériences d’exception. Aujourd’hui, les leaders de « l’expérientiel » sont ceux qui sont capables d’aligner stratégie, technologies et data au service de l’évolution de l’expérience client.
Un changement culturel :
Mettre en pratique un modèle axé sur le client dépasse largement la simple initiative de la présentation remplie de citations. Le changement doit être radical en termes de stratégie, d’investissements et de culture.
Les entreprises qui, aujourd’hui, sont leaders customer centric ont en commun, un engagement collectif à investir dans les ressources humaines (fidélisation des talents), les technologies, la data et les processus organisationnels. Transformer sa culture d’entreprise c’est penser à expliquer ce que l’on déploie. Car tout doit être explicable par la direction et compris par les collaborateurs.
Paradoxalement, tout projet peut fonctionner, mais si l’ensemble des collaborateurs de l’entreprise ne le comprend pas, il est voué à l’échec.
Selon l’étude « Experience Index 2020 » publiée par Adobe, et qui compare les leaders et les autres entreprises, ce sont en premier lieu, des workflows obsolètes qui ralentissent les processus internes au sein des grandes entreprises (53%) contre seulement 32% au sein des entreprises leaders de l’expérience client. Des budgets inadaptés seraient également un obstacle à la création d’expériences digitales pour une entreprise sur 2.
L’étude révèle enfin que « dans les entreprises où les parties prenantes ne partagent pas leur expertise, leurs données et leurs ressources, l’expérience client est incapable d’évoluer à la vitesse du marché » et que celles qui réussissent sont celles qui « se sont transformées, à l’image du parcours client. ». C’est à dire celles qui ont éliminé les cloisonnements internes, qui ont constitué des équipes dédiées et harmonisé les ressources tout au long du parcours. De plus, elles seraient « adeptes d’une approche basée sur les tests et l’apprentissage, elles appliquent des méthodologies agiles pour agir rapidement à partir des enseignements tirés. »
Un changement opérationnel et humain :
S’orienter vers une approche « customer centric », c’est mettre en place une culture « data driven » et donc recruter et fidéliser les talents capables de créer des expériences de qualité. Nombre d’entreprises ont créé des centres d’excellence pour aligner compétences digitales et transformation stratégique.
Mais sans aller jusqu’à créer un centre d’excellence, il est important de s’entourer de profils orientés « data », de modéliser les processus de l’organisation, disposer de solutions digitales agiles et évolutives pour collecter, stocker, exploiter et surtout diffuser la donnée.
Et il est important d’accompagner et sensibiliser les collaborateurs dans cette démarche, pour qu’ils comprennent dans quel but utiliser la donnée. Mais pour mener à bien la conduite du changement, il est nécessaire que l’impulsion vienne du top management. Car une culture « data driven » ne peut être opérationnelle sans le soutien inconditionnel de la direction.
Gouvernance, bonnes pratiques et innovation doivent donc être au rendez-vous pour que l’entreprise se mette au service d’une vision centrée client.
Un changement technique :
Implémenter des solutions d’automatisation dans les opérations courantes et du Machine Learning dans les processus de prise de décision c’est prendre une longueur d’avance sur ses concurrents. L’intelligence artificielle a pour avantage de libérer les directions marketing des tâches répétitives (e-mails, rapport, analyse d’indicateurs de campagne) pour qu’elles se concentrent sur leurs objectifs stratégiques.
Aujourd’hui, le recours à l’automatisation permet d’analyser en temps réel les données et prendre des décisions rapidement. Un avant-goût de révolution pour les directions marketing. Car la combinaison des informations clients et des données contextuelles qui nourrissent l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique permet aux plateformes d’apprendre des données, de s’adapter en conséquence et également de formuler des hypothèses (prédictions et recommandations).
Au-delà de l’approche « Customer Centric », 3 pré-requis sont indispensables
Disposer d’une gestion unifiée de ses données
On l’aura compris la donnée, en inflation constante, est une mine d’or pour les directions marketing. Mais la plupart des organisations ne savent pas comment la gérer de façon efficace. Alors qu’elles sont un levier de performance, elles ne sont pas correctement exploitées ou traitées.
Or, dans un écosystème data centric, il est impératif de rendre accessibles et disponibles toutes les données client à l’ensemble des systèmes, processus et applications métiers. A ce titre, l’étude « Experience Index 2020 » estime que « les leaders de l’expérience client sont 4,5 fois plus susceptibles de disposer d’une pile de technologies cloud étroitement intégrée (32 % contre 7 %) » et estime que « les entreprises dont la pile technologique est extrêmement unifée ont 131 % de chances supplémentaires d’avoir largement dépassé leur principal objectif commercial de 2018 (30 % contre 13 %). »
C’est la seule condition pour opérer des stratégies marketing personnalisées sur la base d’une vision 360° du client.
Mais, avant d’atteindre cette fameuse vision 360°, il est impératif de commencer avec un set de données maîtrisé que l’on enrichi au fur et à mesure avec d’autres données provenant d’une même source ou de sources complémentaires.
Commencer petit et malin ou la stratégie du pas à pas
Le principal écueil des entreprises et des décideurs est de vouloir tout de suite croiser des données transactionnelles avec des données comportementales, des données structurées avec des données non structurées, de créer des algorithmes complexes….
Au contraire, il faut se concentrer sur les données véritablement pertinentes, fiables, de nature à créer de la valeur ajoutée. Il est nécessaire qu’elles ne puissent pas être remises en question par les utilisateurs des données ou les destinataires des Kpis. De même, ces Kpis doivent être connectées aux problématiques concrères des clients afin de créer les conditions d’une relation ultra-personnalisée.
C’est pourquoi il est nécessaire de suivre une méthodologie qui repose sur une approche rigoureuse :
- Identifier et qualifier les bons cas usages. On privilégiera les cas simples qui correspondent à des problématiques non adressées dans l’entreprise ou des cas liés à un existant devant être amélioré. Il est essentiel d’identifier ceux qui marchent, ceux qui créent le plus de valeur, ceux pour lesquels on sait que la Data est disponible et fiable.
- Commencer par travailler sur un cas précis qui constituera le MVM (Minimum Valiable Model) avant un MVP (prototype).
- Mettre en place des features Teams : relai entre l’IT et les Métiers, elles vont industrialiser les problèmes. Elles sont composées en général de business owner, de AI product owner (compétence double data et agile) de datascientist et de data engineer.
Ces Feature teams peuvent être dédiées à un seul Kpis et peuvent le suivre de l’initiation du projet au maintien des applications au sein du SI.
L’humain au cœur de la matière
Quelle que soit la maturité data des entreprises, il reste indispensable de confronter les kpis et les algorithmes à une « intelligence » humaine, que ce soit dans leur conception, leur analyse et leur interprétation.
Par exemple, dans la grande distribution, les algorithmes peuvent permettre d’identifier la pénurie de certains produits mais ce sera le rôle des collaborateurs du Siège, voire du magasin, d’identifier pourquoi ce produit n’apparait plus sur les tickets de caisse (pénurie, produit mal placé etc…).
Autre exemple, dans le secteur du luxe qui laisse une grande part à l’imaginaire, à l’immatériel et à la magie, il est utopique de croire que demain ce seront uniquement les data et les technologies qui guideront les achats. En revanche, elles constituent des insights clés pour orienter des tendances et assurer des décisions rapides comme adapter son rythme de production après une étude des réactions à un défilé diffusé en live sur Instagram.
L’IA et la data offrent aujourd’hui un nouveau champ de possibles à l’expérience client et de nouvelles perspectives aux directions marketing. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que la collecte des données, indispensable à cette transformation, ne pourra intervenir que dans un climat de confiance et dans le respect le plus strict du règlement européen de protection des données. Les directions marketing doivent donc désormais s’efforcer à être pragmatiques et authentiques pour inspirer confiance.
Guillaume Pinaud, Directeur Data & Customer Marketing novencia et Dominique Cozzi, Journaliste.