Il est trop tard pour être pessimistes ! C’est pourquoi, les entreprises n’ont d’autre choix que de faire de cette crise, sans commune mesure, un nouveau challenge. Celui de repenser le pilotage de leur activité par la donnée. Aujourd’hui, être une entreprise data driven, disposer d’informations pertinentes et de qualité, avoir les clés pour comprendre et anticiper les comportements des clients et « consomm’acteurs » c’est avoir en main toutes les cartes pour rester dans le jeu.
Même si certaines organisations ont compris les enjeux autour de la culture data, d’autres, en grand nombre, sont loin d’être prêtes et ne disposent pas encore de tous les atouts pour faire des données un levier de croissance et de différenciation.
Devenir une organisation Data Driven implique de mettre la donnée au cœur de sa stratégie, des ses systèmes et de ses processus. Ce changement de paradigme nécessite de déployer un plan en 5 étapes, sponsorisé par le top management et avec un engagement fort de chaque collaborateur au sein de l’entreprise.
Pour autant, ce programme d’envergure n’empêche pas de mettre en place un plan pragmatique et d’avancer à son rythme et en fonction des ses moyens et besoins, comme nous le présentons dans cet article.
1. DÉFINIR UN CADRE
La Direction générale, ambassadrice de la démarche
Dans l’après crise sanitaire, les organisations devront donner des orientations fortes à leur équipes afin de lancer, relancer ou accélérer les projets de transformation autour de la Data.
Adopter une démarche Data Driven, c’est mettre en place un projet de transformation. Celui-ci doit être décidé et piloté par le top management. C’est en soi un véritable projet d’entreprise qui concerne l’ensemble des Directions et les différents niveaux de l’organisation. A ce titre, la donnée doit devenir le cœur des systèmes, des processus et de la culture et doit être considérée comme partie intégrante du capital de l’entreprise.
Selon la taille et l’activité de l’entreprise, l’envergure du projet va dépendre de la maturité de son organisation mais aussi de ses ambitions ! Les objectifs peuvent être transverses et concerner toutes les Directions. Ces objectifs peuvent, par exemple, être relatifs au déploiement d’une organisation agile et collaborative, au gain de productivité et de compétitivité, ou encore lié à la volonté de devenir une référence de l’animation omnicanale.
Une entreprise peut aussi préférer se concentrer dans un premier temps sur un scope d’objectifs lié à une ambition spécifique, comme l’évolution de son animation client par exemple. Dans ce cas, les objectifs pourraient être : supporter les preuves relationnelles, améliorer l’expérience omnicanale utilisateur, ou encore optimiser les usages digitaux des utilisateurs.
Une activité / une direction = un objectif
Sponsorisé par le top management, le projet de transformation est désormais aligné avec la stratégie et les priorités de l’entreprise, ce sont donc aux Directions concernées de prendre le relais. Chacune d’entre elles doit se l’approprier et élaborer sa feuille de route.
Pour l’animation marketing, on peut fixer des objectifs relatifs à la personnalisation des opérations marketing, au management du cycle de vie du client, à l’anticipation du churn. Pour la logistique, il s’agirait peut-être d’améliorer la prédiction des ventes, ou optimiser la préparation et la livraison des commandes.
Cette étape doit également être une étape où les objectifs communs à plusieurs Directions sont partagés. L’un des enjeux d’une entreprise Data Driven étant la collaboration et la convergence.
À lire : « Les chiffres ne restent que des chiffres tant que la stratégie n’est pas bien définie. »
Données : les cartographier et les évaluer
Avant d’identifier ou élaborer les Use Cases (UC) à mettre en œuvre, il est important de cartographier son patrimoine de données. Cela va permettre de disposer d’une vision globale des données disponibles, si elles sont de qualité, communes à différents services, etc… Ce travail de cartographie va également permettre de lancer des plans de recueil, de complétude, d’uniformisation et de mise en qualité des données.
Sachant qu’il faut être pragmatique et qu’il n’est donc pas nécessaire d’avoir un set important de données utilisables pour se lancer. Au volume, préférez l’intégrité et la précision des données, d’autant plus à l’heure de RGPD et de l’éthique Data.
PRÉPARER
S’assurer de choisir les bons uses cases
Chaque métier doit cadrer ses besoins et se poser les questions suivantes : quels sont les Use Cases qui peuvent être améliorés pour répondre aux objectifs ? Quels sont les nouveaux Kpis ou reportings qui peuvent être initiés pour répondre à un besoin non couvert jusqu’à présent ? … A ce stade, le champ du possible doit être large.
Pour l’animation client on peut partir de Use Cases tel que celui de lancer une NL ciblée et personnalisée par affinité, être en capacité de faire du Push ciblé sur appli / la consommation & comportement …
Pour la Direction Logistique, cela peut concerner une évolution des analyses prédictives de la gestion des stocks, la réalisation de prévision automatique des ventes du Drive, ….
Les choix sont propres à chaque entreprise, mais les Use Cases retenus devront répondre à plusieurs critères : quelle est leur valeur ajoutée ? Sont-ils industrialisables ? Les ressources, technos et data sont-elles disponibles ? L’indicateur est-il mesurable et peut-il être mis rapidement à l’échelle ? Un autre critère important dans cette phase de lancement d’un tel programme : l’indicateur, l’analyse ou le reporting retenu contribue-t-il à la sécurisation de l’adoption de la data dans les usages au sein de ma Direction et éventuellement au-delà ?
Notre conseil : repartir des problèmes existants et porter son attention sur des usages simples qui correspondent à des problématiques que l’entreprise doit adresser en priorité.
Piloter un plan d’action concentrique et adaptable
Pour déployer un plan d’actions dans les meilleures conditions, dans un premier temps il est nécessaire d’évaluer et de regrouper les UC en lot pour chaque objectif. Un premier lot de 5 à 10 UC peut être envisagé.
Sachant que le premier lot doit être constitué de uses cases qui peuvent être développés rapidement. Non seulement pour que les premières réussites soient rapidement visibles, mais également pour pouvoir engager rapidement un second lot qui permet d’« onboarder » d’autres collaborateurs et d’autres Directions.
De même, le plan doit être souple pour être adapté rapidement en fonction des résultats des UC des lots précédents.
ANALYSER
Adopter de nouvelles méthodes
De nouvelles méthodes inspirées de l’Agilité permettent d’établir ou de renouer le dialogue entre des Directions qui travaillent le plus souvent en silo. Efficaces à court terme, ces méthodes impliquent cependant des bouleversements organisationnels et culturels : les profils Métiers et de l’IT vont devoir collaborer et itérer ensemble au sein de groupes de collaborateurs choisis pour leur motivation et leur adhésion aux différents enjeux.
Par ailleurs, les méthodes Agiles ont pour corollaire de faire naître de nouveaux rôles ou métiers (Business Owner, Product Owner ,…). Les entreprises ne pouvant pas nécessairement recruter ces nouveaux profils, des ressources internes peuvent évoluer vers ces postes.
L’important, dans un premier temps, est d’être en capacité de lancer une ou deux équipes dédiées à un ou deux Use Cases. Ensuite, en fonction des réussites, des postes peuvent être créés et pérennisés, lorsque le volume de projets Data le justifie.
Déployer une approche progressive
Avant de se lancer dans un plan d’envergure, il est nécessaire de s’adapter à son contexte et de lancer un premier UC sur un périmètre restreint, mais que l’on sait visible et scalable rapidement. Le case pouvant être enrichi avec l’intégration d’autres data ou l’élargissement du scope.
Par exemple, dans le cadre de la revue d’une analyse prédictive de la gestion des stocks des produits de première nécessité, on peut travailler à prédire l’ensemble de la demande sur une ligne de produits vendus dans une région française dans un premier temps et ensuite, introduire de nouvelles données (géographiques, comportementales, …) et dans le même temps étendre le périmètre d’étude, c’est-à-dire intégrer les données d’une autre région avec un plus fort volume de consommation.
De même, il est préférable que cela soit une équipe dédiée qui soit en charge de chaque Use Case. Tout en employant des méthodes agiles : du Tests & Learn à la mise à l’échelle.
À lire : Expérience client augmentée : transformation culturelle et approche disruptive
4. RECUEILLIR, GÉRER ET ENRICHIR LES DONNÉES
S’équiper d’un SI Data agile & déployer des technologies innovantes
Que ce soit pour la captation ou l’activation des donnés, la collecte, le stockage ou leur analyse, les outils sont de plus en plus performants et intégrés.
Concernant la restitution, aujourd’hui les outils d’analyse et de reporting peuvent permettre à chaque collaborateur de l’entreprise d’accéder facilement et rapidement aux donnés, sous forme de tableaux de bord ou d’analyses. Il n’est plus nécessaire d’être expert pour « lire » rapidement et facilement les informations restituées.
En revanche, le nombre d’acteurs sur le marché est relativement important, avec souvent des périmètres fonctionnels extensibles et des zones de recouvrement entre les outils, il n’est pas toujours facile de s’y retrouver sans l’appui d’experts.
Les outils seront donc choisis en prenant en compte différents critères : vos objectifs, vos usages data, le nombre de canaux à disposition et leur rôle, le volume de données recueillies, votre legacy informatique, etc…
5. FAIRE EVOLUER SON ORGANISATION ET SES RESSOURCES
Diffuser une culture data
Comme on l’a vu précédemment, la data est l’affaire de tous. Dans ce contexte, un projet « Data Driven » n’est synonyme de succès qu’à la condition que soit déployée une culture de la donnée auprès de tous les collaborateurs, ceux qui la collectent, ceux qui la mettent à disposition, ceux qui l’exploitent, ceux qui l’utilisent.
Au rythme de son organisation et de ses équipes et en tenant compte de ses contraintes, il faut transformer les croyances, les comportements et les ancrages de TOUS les acteurs et ce, à chaque strate de l’organisation.
Il faut accompagner ses équipes dans l’acculturation et faire infuser à tous les niveaux de l’entreprise la culture data pour faire comprendre les enjeux et les bénéfices de la valorisation de la donnée.
Enfin, il est important de développer une organisation apprenante par la mise en œuvre de nouveaux modes de fonctionnement pour atteindre le plus rapidement possible une mise à l’échelle.
Adapter son organisation
Plusieurs nouvelles activités ou nouveaux métiers émergent au fur et à mesure qu’une démarche « Data Driven » est déployée. Que ce soit des métiers liés à l’analyse des données (Du Data Analyst au Data Scientist, en passant par des Data Engineer dans le cas de projets nécessitant de réaliser des extractions complexes) ou des métiers liés à la gestion et la gouvernance des données (Data Owner, Data Steward, Data Manager), chacun ayant un rôle bien précis.
Dans un premier temps, 3 options se présentent :
- Faire monter en compétence des ressources internes,
- Externaliser tout ou partie de ces métiers, avant de réinternaliser une fois les postes pouvant être pérennisés,
- Recruter en adaptant son plan à son rythme de montée en compétence.
Mettre en place une gouvernance
Plus l’entreprise va se transformer, plus la gouvernance des données deviendra primordiale pour gérer et administrer les données, veiller à leur disponibilité, leur utilisabilité, leur intégrité et leur sécurité. Mais également pour s’assurer du respect des règlementations comme le RGPD.
Les 9 axes de la Gouvernance des données
Pour suivre l’évolution de sa montée en puissance, il est indispensable de piloter cette transformation.
Monitoring
La transformation d’une entreprise vers un modèle Data Driven doit être pilotée et suivie. Dès le lancement du programme, des indicateurs doivent être définis pour mesurer la qualité des données, les usages, l’intégration des données dans les prises de décision, la diffusion de la culture data, la façon dont les équipes sont embarquées, etc….
C’est à travers le suivi de ce baromètre que l’on pourra mesurer l’évolution de son entreprise et s’assurer de l’efficacité du déploiement de ces 5 étapes clés d’une démarche Data Driven.
Guillaume Pinaud, Directeur Data & Customer Marketing novencia et Dominique Cozzi, Journaliste.